Pénurie des matériaux : comment la construction peut-elle faire face ?

Du cuivre à l’acier en passant par le bois, l’aluminium, le métal, le matériel électrique, les matériaux isolants et les produits préfabriqués en béton, les matériaux de construction sont touchés par une pénurie d’une ampleur sans précédent. Résultat : le prix des matières premières ne cesse de flamber depuis des mois et les retards de livraison empêchent les chantiers d’être terminés dans les délais impartis. Quelles sont les causes de cette pénurie mondiale ? Comment les entreprises et artisans de la construction peuvent-ils réagir ?

Les dernières données du Statec sont sans appel : l’indice des prix à la construction a augmenté de 4,3% entre octobre 2020 et avril 2021. Il s’agit de la plus forte évolution semestrielle observée depuis avril 1992. Deux corps de métier en particulier affichent une hausse plus forte que l’indice : la toiture avec 7,3% et la fermeture du bâtiment – qui englobe les fenêtres, les portes de garage et les façades – avec 4,6%. 

Une crise aux causes multiples

Plusieurs facteurs expliquent cette situation. La crise sanitaire a entraîné la mise à l’arrêt de nombreuses chaînes de production et une complète désorganisation des filières d’approvisionnement. En moyenne, une usine met 2 à 3 mois pour reprendre 100% de sa capacité. Viennent s’ajouter à cela la reprise de la demande au lendemain des confinements – surtout aux États-Unis et en Chine actuellement en plein essor – et l’abondance des liquidités internationales suite aux différents plans de relance. Les tensions commerciales, notamment entre les États-Unis et le Canada à propos du bois, n’y sont pas étrangères non plus.  

Quelles démarches peuvent entreprendre les entreprises et les artisans ?

Pour un contrat conclu dans le cadre d’un marché public, le règlement grand-ducal du 8 avril 2018 portant exécution de la loi du 8 avril 2018 sur les marchés publics comporte des mesures pour faire face à des situations exceptionnelles comme celle que nous vivons actuellement.

Ainsi, le contrat peut être adapté si, depuis la remise de l’offre, des fluctuations importantes et imprévisibles du marché peuvent être constatées dans les cotations officielles, les mercuriales ou les publications de prix des matières premières. Cette adaptation du contrat doit se faire par lettre recommandée[1]. Même si, en principe, les adaptations de prix ne sont prises en considération qu’au décompte final, vous pouvez demander le paiement d’acomptes sur révision. En cas de force majeure, vous pouvez demander au pouvoir adjudicateur de prolonger le délai d’exécution  – dans ce cas, vous devez justifier de manière objective les causes du retard dans un rapport détaillé -, voire de résilier le contrat (article 44(4) de la loi sur les marchés publics).

S’il s’agit d’un contrat dans le cadre privé, tout va dépendre de la manière dont le contrat, le devis, l’offre et les conditions générales ont été rédigés.

En règle générale, le devis ne constitue qu’un élément de référence. Il ne comporte qu’une estimation de prix et le prix définitif sera fixé à l’achèvement des travaux. Par contre, si le prix final risque de dépasser de manière importante le devis initial, vous devez en informer le plus rapidement possible votre client. Sinon, celui-ci est en droit de demander un dédommagement. Dans le cas d’une construction à forfait où le prix est fixé à l’avance, vous pouvez essayer de justifier une augmentation des prix ou des délais en vous appuyant sur la théorie juridique de l’imprévision. Malheureusement, cette théorie, présente dans le Code civil français, ne l’est pas en droit luxembourgeois et son admissibilité n’est pas unanime.

Si, dans les conditions générales, figurent des clauses contractuelles de variation telles que l’augmentation des prix des matières premières, celles-ci sont valables. Pour autant, bien entendu, que celles-ci ont été expressément acceptées par le client par apposition de sa signature.

 

[1] Le Centre de Ressources des Technologies et de l’Innovation pour le Bâtiment (CRTI-B) met à disposition un simulateur en ligne (http://revprix.crtib.lu/) du calcul de la révision des prix. 

Que faire pour les contrats futurs ?

Incorporez dans vos contrats futurs une clause indiquant que les prix proposés et les délais fixés ne sont pas définitifs et que ceux-ci peuvent varier en fonction de l’évolution des prix des matériaux et de la disponibilité et des délais de livraison des fournisseurs. Ensuite, signez les devis le plus tôt possible en expliquant bien aux clients la hausse inhabituelle des prix suite à une pénurie des matériaux. Un devis signé est un engagement de travaux contractuel. Vous pouvez ainsi vous projeter correctement dans vos travaux et mieux gérer les aléas dans une conjoncture incertaine. Quant aux clients, si vous avez su vous montrer convaincant, ils savent qu’ils peuvent compter sur vous pour l’exécution des travaux et qu’ils ne trouveront pas un meilleur prix et des délais plus rapides ailleurs.

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08/2021

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