Trump rend la politique commerciale toujours plus incertaine

03 avril 2025

temps de lecture: 10 min

Le président Donald Trump a décidé d’intensifier son offensive commerciale en appliquant des droits de douane d’au moins 10% sur toutes les exportations vers les Etats-Unis. A l’instar de la Chine, de l’Union européenne ou du Japon, les pays les plus touchés sont ceux avec qui les Etats-Unis affichent un important déficit de leur balance commerciale.

Dans le cas de la Chine, le principal rival économique des Etats-Unis, les nouveaux tarifs pourraient dépasser les 50%. Pour le Japon et l’Union européenne, les barrières douanières devraient s’élever à respectivement 24% et 20%.

Comme l’ampleur du choc s’avère supérieur à ce qui était déjà anticipé par les marchés, ces derniers sont contraints de revoir leurs attentes en matière d’inflation et de croissance bénéficiaire. Un processus qui risque de prendre du temps et d’alimenter la volatilité boursière.

L’arroseur arrosé

L’effet sur les marchés boursiers s’avère jusqu’ici surtout néfaste aux actions américaines. Elles sont, en effet, frappées plus durement que lors de la première guerre commerciale menée par Trump en 2018. L'indice S&P 500 est en baisse de plus de 8 % (en euros) depuis le début de l’année, alors que l'indice MSCI Monde Tous Pays excluant les États-Unis résiste mieux (+1%, en euros). Wall Street signe ainsi son pire début d'année par rapport au reste du monde depuis 1988 !

Quant au secteur, très prisé jusqu’il y a peu, de l’IT et de l'intelligence artificielle, il est aussi à la peine puisque les ‘Sept Magnifiques’ (à savoir Alphabet, Amazon, Apple, Meta Platforms, Microsoft, NVIDIA et Tesla) ont perdu 18 % de leur valeur sur la période.

Si les droits de douane imposés par Trump en 2018 n'ont pas eu d'impact significatif sur la performance des actions des entreprises internationales générant une grosse partie de leurs revenus aux Etats-Unis, c’est tout le contraire aujourd’hui. L'incertitude générée par le protectionnisme US et les craintes d'une éventuelle récession aux États-Unis commencent à les pénaliser elles aussi.

Les actions des groupes européens très actifs outre-Atlantique (en hausse de 5% cette année) sous-performent de 6% les actions des entreprises continentales exportant peu aux Etats-Unis (+11%).  Il s’agit d’un changement radical par rapport à ce qui s’était passé entre janvier 2018 et juin 2019. A cette époque, elles avaient surperformé de 14%, la croissance américaine ayant bien résisté aux droits de douane.

Cela montre à quel point la stratégie « America First » du président Donald Trump suscite, paradoxalement, la défiance des investisseurs à l’égard des actions américaines et des sociétés qui génèrent une grosse partie de leurs revenus aux États-Unis. L'optimisme suscité par les politiques pro-croissance (baisse de la fiscalité et dérégulation) annoncées par Donald Trump n’est déjà plus qu’un lointain souvenir.

La hausse des droits de douane et les licenciements dans l'administration US font désormais craindre que cela puisse saper la confiance des acteurs économiques et finalement se révéler source de stagflation - une période caractérisée par une faible croissance et des pressions inflationnistes.

Cette crainte est d’ailleurs déjà perceptible en bourse puisque les actions qui prospèrent en période de stagflation (celles liées, notamment, aux métaux précieux et industriels ou aux secteurs défensifs comme les soins de santé) surperforment aux Etats-Unis de près de 15 % (en euros) depuis le début de l'année les actions les plus fragiles dans ce genre de scénario (comme l’IT, l’énergie ou les biens de consommation durables).

Autre manifestation de cette préoccupation, les valeurs refuges telles que l'or (+14 % depuis le début de l'année) et les obligations de bonne qualité crédit sont également davantage recherchées par les investisseurs.

Marges bénéficiaires sous pression…

Si les cours boursiers se tassent c’est que la hausse des droits de douane imposés aux partenaires commerciaux des États-Unis va immanquablement perturber les chaines d’approvisionnement et se répercuter sur les marges bénéficiaires des entreprises, comme ce fut le cas en 2018. Entre janvier 2018 et la suppression partielle des droits de douane à la mi-2019, les estimations à 12 mois relatives aux marges bénéficiaires s’étaient contractées de 70 points de base (100 points de base = 1 %), tant aux Etats-Unis qu’au niveau international.

Aujourd’hui, on constate que les attentes en la matière ont baissé au niveau international de 8 points de base par rapport au pic de septembre 2024, alors qu’elles ont encore augmenté de 24 points de base aux Etats-Unis. Comme le renforcement des barrières douanières est plus fort et plus massif qu’en 2018, on peut donc s’attendre à ce que la situation s’inverse et se dégrade de manière plus significative de part et d’autre de l’Atlantique. L’incertitude commerciale n’ayant jamais atteint un niveau aussi élevé, cela risque de peser sur la confiance, les investissements et les dépenses des entreprises et des ménages, avec, à la clef, une baisse de la production industrielle et de la consommation aux Etats-Unis et dans le reste du monde.

… mais une volatilité encore mesurée

Malgré le sentiment baissier qui prévaut sur les marchés, les fondamentaux ne suggèrent pourtant pas qu'une récession soit imminente aux Etats-Unis. Les économistes interrogés par Bloomberg estiment à 30 % le risque d’une récession dans un horizon à 12 mois.

En outre, certains signaux montrent que Wall Street garde son sang-froid. L'indice de volatilité du S&P 500 (VIX) en est l’illustration. Surnommé « l'indicateur de la peur » parce qu'il mesure l’instabilité des cours des principales actions US, cet indice reste à des niveaux inférieurs à ceux observés lors des précédents épisodes de turbulences boursières. Il pointe à 22, contre une moyenne historique de 20 et un sommet de plus de 80 lors de la crise sanitaire du Covid-19.

Par ailleurs, on ne voit pas non plus de mouvements de vente panique mais plutôt une correction graduelle puisque les indices S&P 500 et MSCI Monde Tous Pays n’ont connu depuis le début de l’année que deux séances au cours desquelles ils ont perdu plus de 2%.

Quel est l'impact sur la stratégie d'investissement ?

La récente correction pourrait se poursuivre encore un peu, car il faudra du temps pour que les marchés décryptent complètement l’impact des nouvelles décisions de l’administration US et surtout intègrent les représailles éventuelles des pays concernés par la hausse des tarifs douaniers. Le scénario négatif pour le marché serait que le 2 avril marque le point de départ d'une longue période de négociations au cours de laquelle la structure tarifaire avec les Etats-Unis resterait peu claire. Si tel devait être le cas, on peut s’attendre à ce que la volatilité s’accroisse sur les marchés. Mais cela pourrait aussi devenir une opportunité d'achat si les investisseurs sont convaincus qu'une récession peut être évitée. Pour peu que les mesures US soient retardées ou qu’elles donnent lieu à des exemptions suffisamment importantes, il n’est pas impossible que cela provoque un soulagement dans le chef des investisseurs et un rallye boursier.

C'est la raison pour laquelle les gestionnaires de fonds d’ING continuent à privilégier les actions et surtout les obligations par rapport aux liquidités, tout en protégeant les portefeuilles contre l'instabilité provoquée par les choix commerciaux de Donald Trump.

  • Nous avons, en effet, réduit ces derniers mois la cyclicité des portefeuilles en diminuant l'exposition aux États-Unis et aux secteurs des technologies de l'information et de l'énergie.
  • Dans le même temps, nous avons aussi renforcé le biais défensif de notre allocation d'actifs en augmentant le poids de certaines actions considérées comme moins chères (par rapport à leurs fondamentaux), notamment en Europe et dans les secteurs de la finance et des soins de santé.
  • Dans la partie obligataire des portefeuilles, les obligations de bonne qualité (ratings supérieurs à « BB+») restent préférées car elles offrent une moindre volatilité et un rendement moyen attractif (4%). Surtout si on se souvient qu’il était de 1,7 % fin 2020 ou lorsqu’on le compare avec le rendement moyen des obligations souveraines (3,4%) et le rendement attendu des dividendes des actions (2%).
  • Sur le marché des matières premières, l'or (et les métaux précieux) reste notre actif préféré, car il se comporte traditionnellement bien en période d'instabilité politique et économique. A fortiori lorsque, comme c'est le cas actuellement, les banques centrales en achètent massivement.

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